Face à la puissance du groupe pharmaceutique MERCK et à l’impuissance structurelle de l’ANSM d’exercer sa mission de protection de la santé publique, Me Christophe Lèguevaques a proposé de regrouper toutes celles et tous ceux souhaitant se joindre à la procédure pénale.
L’instruction, en cours depuis 2018, permettra de faire la lumière sur toute cette affaire, d’identifier les responsables, de sanctionner les coupables et, pour les victimes, d’obtenir une juste réparation.
Il est toujours possible de participer activement à cette procédure en devenant partie civile.
Quelle est la situation ?
Fin mars 2017, le groupe pharmaceutique MERCK mettait sur le marché la nouvelle formule du Levothyrox (ou NF). Cette NF utilisait le même principe actif, la lévothyroxine, une hormone artificielle, mais avec de nouveaux excipients.
Dans les semaines qui suivaient le passage à la NF, les patients constataient de nombreux effets indésirables imprévus pour eux : crampes, maux de tête, vertiges ou perte de cheveux, fatigue extrême et parfois des problèmes cardiaques ou psychologiques...
Certains restèrent ainsi cloitrés chez eux, tandis que d’autres finirent par se faire hospitalisés.
Commencèrent alors des mois d’errance thérapeutique – période d’autant plus longue que les professionnels de santé et les pouvoirs publics tardèrent à croire la parole des malades et à identifier la cause de ces désordres : à savoir le changement de formule.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 32.000 patients ont procédé à un signalement d’effets indésirables auprès de l’ANSM ; plus de 10.000 victimes ont porté plainte dans les commissariats ou les gendarmeries.
Et encore ces chiffres officiels ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Sur les 3 millions de malades combien sont ils à avoir souffert du changement de formule, seuls, en silence ?
Face à l’ampleur de ces signalements, le « Pôle Santé » du Parquet de Marseille ouvrait une enquête préliminaire à l’automne 2017 et en mars 2018, un juge d’instruction était désigné.
L’instruction en cours couvre plusieurs infractions (la mise en danger de la vie d’autrui, l’homicide involontaire et les blessures involontaires) ; elle vise à faire toute la lumière sur la responsabilité de MERCK et de l’ANSM dans le scandale du Levothyrox.
Depuis 2018, des associations et des centaines de malades ont confié à Me Christophe Lèguevaques (CLE) et à son équipe le soin de les défendre et de batailler contre MERCK et l’ANSM.
Quelle action collective a été lancée pour y répondre ?
Afin de permettre aux victimes de contribuer à la manifestation de la vérité et avec l’idée de faire poids face à MERCK et à l’ANSM, Me Christophe Lèguevaques (CLE) a proposé de regrouper toutes celles désireuses et tous ceux souhaitant se joindre à la procédure pénale.
Où en sommes-nous ?
Le 18 octobre 2022, MERCK a annoncé sa mise en examen pour l’infraction de « tromperie aggravée » ceci étant rappelé qu’en droit français, une personne mise en examen bénéficie de la présomption d’innocence.
Afin de ralentir l’avancée de l’enquête, tant MERCK que l’ANSM ont contesté leur mise en examen devant la Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Après deux ans d’attente, la Chambre de l’instruction a convoqué les parties pour une audience le 5 décembre 2024.
D’ici à la fin de l’année 2024, le dossier devrait être débloqué. On pourrait espérer une ordonnance de renvoi devant le tribunal au cours de l’année 2025.
Régulièrement, Me Christophe Lèguevaques échange avec la juge d’instruction afin de partager des informations sensibles, de vérifier l’avancée du dossier et de proposer des pistes d’enquête au travers des « demandes d’actes » (expertises, confrontations, etc.
Pourquoi rejoindre cette action collective ?
En devenant partie civile, les victimes ont accès à l’intégralité du dossier (expertises, interrogatoires, pièces et documents saisis au cours des perquisitions) ; elles peuvent alors participer activement à l’enquête en communiquant des documents et des études ou en proposant d’entendre des témoins ou de mener de nouvelles investigations.
Par ailleurs, si la culpabilité est établie, les victimes pourront alors demander l’indemnisation de tous leur chefs de préjudice (notamment corporels).
Comment rejoindre cette action collective ? Qui est éligible pour participer à cette action ?
Toute personne qui a pris du LEVOTHYROX
- ancienne formule (AF) et
- nouvelle formule (NF).
Si vous n’avez consommé que de la NF (par exemple parce que votre thyroïde a été retirée après septembre 2017), vous ne pouvez pas participer à cette action.
Quelles pièces dois-je communiquer ?
Les pièces à communiquer sont les suivantes :
- Une pièce d’identité en cours de validité (recto / verso)
- Tout élément prouvant que vous preniez du LEVOTHYROX ancienne formule avec lactose avant le 27 mars 2017
- Tout élément prouvant que vous preniez du LEVOTHYROX nouvelle formule avec mannitol et acide citrique après le 27 mars 2017
- Tout élément prouvant que la nouvelle formule du LEVOTHYROX a eu des conséquences néfastes pour votre santé
Par "élément", on entend une ordonnance médicale, une attestation d’un personnel soignant ou d’un tiers, un résultat d’analyse biologique faisant état de l’évolution de votre TSH ou de votre état général, tout autre document administratif ou médical permettant de confirmer vos déclarations.
Ces pièces sont à communiquer par voie postale à l'adresse suivante :
Centre de traitement du dossier Levothyrox
76 allées Jean Jaurès
Bal 102, 7ème Etage
31000 TOULOUSE
Un audit sera réalisé par un avocat à l'appui des documents transmis lui permettant de vérifier votre éligibilité à la présente action. En cas d'inéligibilité du client, l'Avocat s'engage à restituer le montant du forfait sélectionné déduit d'un montant de 78 € TTC.
Au fur et à mesure de l’évolution du dossier, nous pourrions vous demander des pièces complémentaires.
ATTENTION : Si vous êtes déjà demandeur dans la procédure civile contre MERCK pour le défaut d'information, il n'est pas nécessaire de nous communiquer à nouveau vos pièces. Après votre inscription à l'action collective Levothyrox Pénal sur le site, il suffit de nous envoyer un email à contact@myleo.legal pour nous le signaler. Nous nous chargerons de transférer les pièces d'une procédure vers l'autre.
Quelle indemnisation puis-je espérer ?
L'indemnisation dépend de votre situation individuelle et d'une expertise à mener.
Combien dois-je payer ?
MyLeo conçoit ses tarifs afin de permettre au plus grand nombre de se joindre à l’action.
En l'espèce, les honoraires de l'action ont été fixées comme suit :
Honoraire de base pour la phase d'instruction (en ce compris l’analyse de votre éligibilité) : 720 € TTC
Si, comme nos avocats y travaillent, l'affaire venait à être portée devant une juridiction de jugement, un honoraire de base complémentaire pourrait vous être demandé pour le travail s'y rapportant.
Vous signerez une convention d'honoraires en ligne avec nos Avocats Partenaires avant le paiement de l'action.
Il est précisé que ces frais d’honoraires peuvent être intégralement pris en charge par votre assurance. Vous pouvez en effet bénéficier auprès de votre assurance multirisque habitation, automobile ou de votre carte de crédit d'une prise en charge au titre de la protection juridique. Chaque contrat d’assurance étant différent, il vous appartient de vérifier mais d’expérience, toutes les actions gérées par MyLeo ont été agréées par les principales compagnies d’assurance existantes.
Sachez que vous pouvez par ailleurs éventuellement bénéficier d’une prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle. Les équipes de MyLeo sont à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l'action collective Levothyrox Pénal, vous pouvez découvrir les meilleurs moments de la réunion d'informations qui a eu lieu à Marseille (ex : qu'est-ce que la procédure pénale et ses intéréts, quels sont les impacts possibles des déclarations du Professeur LECHAT, pourquoi la mise en examen du Laboratoire MERCK porte seulement sur la "tromperie aggravée"...) ici > Compte-rendu de la mise en examen de MERCK et de la procédure pénale
POUR ALLER PLUS LOIN
Plainte simple / plainte avec constitution de partie civile : quelles différences (cliquez ici)
Le dépôt de plainte simple permet à une personne d'informer la justice qu'une infraction a été commise et dont elle se dit victime. Le dépôt de plainte peut se faire auprès de la police, la gendarmerie ou du procureur de la République.
La plainte avec constitution de partie civile : Personne qui demande au juge chargé de la répression d'une infraction la réparation du préjudice que cette infraction lui a causée.
Le dépôt de plainte simple ne remplace pas la procédure pénale proposée sur la plateforme MYLEO.
Pour défendre vos droits en tant que victime au pénal, vous devez vous porter "partie civile" en confiant votre dossier
- soit à un avocat de MYLEO
- soit à tout avocat de votre choix.
Principaux textes visés (cliquez ici)
Mise en danger de la vie d’autrui : Article 223-1 du Code pénal – « Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
Homicide involontaire : Article 221-6 du Code pénal – « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende ».
Blessures involontaires : Article 220-20 du Code pénal – « Le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
Tromperie : Articles L. 441-1 et s. du Code de la consommation – « Le délit de tromperie sanctionne le fait, pour toute personne, partie ou non au contrat, de tromper un contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers. Il concerne les contrats à titre onéreux, qu’ils aient été exécutés ou non, la tentative de tromperie étant également sanctionnée. Le délit de tromperie s’applique aux marchandises mais aussi aux prestations de service. »
Avancées de l'instruction et données scientifiques (cliquez ici)
Après avoir auditionné le président de Merck France le mardi 18 octobre 2022, la filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand, a annoncé dans un communiqué de presse sa mise en examen pour tromperie aggravée (*).
Selon l’article 80-1 du Code de procédure pénale, les personnes peuvent être mises en examen lorsqu’il « existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission » d’infractions.
Autrement dit, cela signifie qu’il existe, dans le dossier d’instruction, des pièces (et notamment des expertises judiciaires) qui rendent vraisemblable la commission de l’infraction de « tromperie aggravée ».
Le journal " Les Jours " qui couvre l’affaire depuis l'ouverture de l'instruction, a relevé dans son 26ème épisode que, « selon des documents retrouvés par les enquêteurs, le laboratoire connaissait les risques autour du changement de formule ».
Cela n’est pas une révélation pour celles et ceux qui nous avaient fait confiance. En effet, dans les conclusions en réplique devant la Cour d'appel de Lyon, nous écrivions (déjà en 2019 !) :
Pour un médecin qui dispose du libre choix entre deux médicaments, l’important réside dans l’équivalence thérapeutique entre les deux. Cette équivalence thérapeutique implique que le profil d’efficacité et des effets indésirables de deux préparations soient identiques pour pouvoir se remplacer mutuellement. La démonstration de l’équivalence thérapeutique nécessite en principe la conduite d’essais cliniques coûteux, sauf en matière de « générique » où l’on se contentera de la démonstration d’une bioéquivalence moyenne. Encore faut-il que les médicaments à interchanger ne soient pas à marge thérapeutique étroite.
En effet, pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, on distingue deux situations :
- Si pour un nouveau patient, on administre un nouveau médicament à marge thérapeutique étroite, les autorités sanitaires se contentent de vérifier la bioéquivalence de population, la FDA parle alors de « drug prescribability » (Pièce n° E2-7) ;
- Si le patient est déjà sous traitement et équilibré, c’est à dire un patient pour lequel la concentration du médicament initial a permis d’atteindre un effet stable, efficace et sûr, l’équivalence thérapeutique, pour voir si on peut remplacer le médicament initiale, est déterminée en calculant la bioéquivalence individuelle. La FDA parle alors de « drug switchability » (Pièce n° E2-6)
Pour déterminer la bioéquivalence, il convient de déterminer la biodisponibilité de chaque médicament à comparer. La biodisponibilité correspond au pourcentage de la dose d’un principe actif qui atteint la circulation sous forme inchangée. Elle peut être influencée par de nombreux paramètres tels que l’absorption digestive, l’effet de premier passage hépatique, les interactions médicamenteuses, etc. Pour rappel, cet effet de premier passage hépatique se produit lors d’une prise orale : le principe actif va être absorbé puis transporté par la veine porte directement au foie qui va procéder à une métabolisation du médicament ce qui diminue ainsi la quantité disponible dans le sang.
La définition de la bioéquivalence est fondée sur le « dogme »[1] appelé « Fundamental Bioequivalence Assumption » qui déclare que si deux médicaments sont prouvés bio-équivalents, il est présumé qu’ils atteindront généralement le même effet thérapeutique ou qu’ils seront équivalents sur le plan thérapeutique[2]. Cependant, il existe des situations pour certains médicaments où ce dogme peut se révéler insuffisant ou trop risqué.
Les effets d’un médicament peuvent être différents d’une personne à une autre en raison de deux types de variations : interindividuelle et intra-individuelle.
Une variation interindividuelle se définit comme une différence d’effet du médicament entre deux individus due à des différences intrinsèques au patient (génétique, poids, âge, etc.) ou à des différences d’exposition à des facteurs externes.
Une variation intra-individuelle se définit comme une différence d’effet du médicament pour un même individu entre deux temps « t » de prise.
Pour tenir compte des risques propres aux médicaments à marge thérapeutique étroite, la pratique[3] recommande trois approches de la bioéquivalence que l’on peut classer par ordre de fiabilité corrélée à une augmentation de la complexité de mise en œuvre de l’essai clinique.
Elles sont décrites dans les guidelines de la FDA « Statistical Approaches to Establishing Bioequivalence » qui date de 2001. Par ordre décroissant de précision : Bioéquivalence individuelle > Bioéquivalence de Population > Bioéquivalence moyenne.
La Cour retiendra que la question de la bioéquivalence individuelle n’est pas une question récente puisqu’elle est évoquée depuis 2010 par des études qui insistent sur le fait que seule la bioéquivalence individuelle est susceptible de garantir la substitution entre un princeps et un générique à marge thérapeutique étroite.
Les études produites par MERCK sont largement insuffisantes. Plus grave, cette insuffisance était connue mais contournée par des manipulations.
En effet, dans leurs analyse d’aout 2019, MM. CONCORDET et al. vont encore plus loin en intégrant à leur démonstration les maladroites tentatives de réfutation (notamment celle de M. le professeur LECHAT, qui venaient opportunément corroborer la position de MERCK).
Mais au moyen d’arguments scientifiques et mathématiques, ils détruisent les arguments contraires et mettent en avant des éléments permettant de conclure qu’en l’état du « design » de son test de bioéquivalence, MERCK ne peut pas prétendre avoir respecter les lignes directrices (« Guidelines ») de l’EMA en la matière.
Dans ses écritures, MERCK explique qu’elle s’est contentée d’appliquer la réglementation européenne en vérifiant la bioéquivalence moyenne entre l’ancienne et la nouvelle formule.
Nous allons démontrer que
- En raison du design de son test de bioéquivalence, MERCK n’a respecté les « guidelines » de l’EMA ni les recommandations de la FDA en matière de médicament à marge thérapeutique étroite, contrairement à son affirmation (§2A) ;
- De plus, MERCK est partie d’un raisonnement inductif inversé : elle n’a pas cherché à vérifier si l’ancienne et la nouvelle formule pouvaient être substituable mais elle a construit son test à partir du résultat recherché : démontrer une bioéquivalence moyenne (§2B).
Pire, le nombre élevé de volontaires sains testés avait pour objectif de tromper l’attention des autorités sanitaires et de dissimuler l’absence d’une bioéquivalence individuelle sous une apparence de bioéquivalence moyenne (§ 4).
(...)
§3 – Confirmation de l’analyse CONCORDET et nécessité réglementaire d’une « analyse croisée » en cas de soupçon de l’industriel
Comme le remarquent MM. CONCORDET et al. dans leur étude d’août 2019, « Parce que l'introduction de la NF a donné lieu à une crise de santé publique majeure, les données brutes du dossier de bioéquivalence ont été mises en ligne ».
Autrement dit, si les associations et les malades ne s’étaient pas mobilisés, ces données n’auraient même pas été communiquées et aucune vérification n’aurait été possible. On en serait resté avec le discours de MERCK, basé sur une présentation trompeuse, et sur l’acquiescement servile de l’ANSM qui n’a pas pris la peine de vérifier les 2000 pages de résultats de l’étude de bioéquivalence.
Et comment aurait-elle pu le faire puisque les résultats du test de bioéquivalence ont été communiqués dans un format (image) rendant inexploitable les milliers de pages de chiffres.
Ce comportement de « fausse transparence » démontre la volonté de dissimuler l’information en rendant son traitement et sa vérification impossible.
Afin de pouvoir mener à bien leur étude, MM. CONCORDET & al. ont dû mener le travail de bénédictin de transformer des images en données numériques permettant des calculs.
Cela démontre au passage que l’ANSM n’a pas vérifié les données communiquées et s’est contenté d’approuver les conclusions présentées par MERCK, sans exercer son esprit critique. Preuve supplémentaire de son défaut d’indépendance et de sa carence manifeste dans sa mission de protection des malades. Raison supplémentaire pour refuser à MERCK de bénéficier d’une quelconque immunité que la loi lui refuse, tant il apparait à présent que les différentes autorisations ont été obtenues par ruse et en fraude.
Le chiffre [recalculé par MM. CONCORDET et al.) est remarquable : d’un côté, on affirme que la bioéquivalence moyenne est un « succès » et on s’en contente pour demander et obtenir l’AMM, mais d’un autre côté, une analyse fine des données communiquées (les mêmes données !) permet d’affirmer que 70 % des 204 volontaires sains sont en dehors de la zone de bioéquivalence !
Poursuivant leur démonstration, MM. CONCORDET & al. expliquent que « Nous avons conclu que ce très grand nombre de sujets permettait de douter de la sécurité du changement de formulation. En effet, conformément aux articles originaux sur ce sujet par Anderson et Hauck en 1990 [8] et 1994 [9], une distinction claire doit être faite entre le caractère prescriptible d’un nouveau médicament c’est-à-dire la possibilité d’utiliser sans problème un médicament princeps ou un générique lors d’un nouveau traitement et la substituabilité qui est la possibilité de passer d'une formulation à une autre chez un patient déjà sous traitement. La ligne directrice actuelle garantit la bioéquivalence moyenne mais pas la possibilité de passage d’une formulation à l’autre. Seule l’évaluation de la bioéquivalence dite individuelle permet de comparer formellement les résultats obtenus avec chaque formulation, sujet par sujet, garantissant ainsi que chaque individu sera exposé de façon semblable avec les deux formulations. »
Autrement dit, depuis des études datant de 1990 et 1994, les données acquises de la science permettent d’affirmer que, pour un médicament à marge thérapeutique étroite, la bioéquivalence moyenne n’est pas suffisante pour garantir la sécurité d’un passage d’une formulation à l’autre.
MERCK connaissait parfaitement ce risque et aurait dû en tenir compte dans sa demande d’obtention de l’AMM. Son comportement est manifestement fautif.
La cour retiendra que les conclusions de MM. CONCORDET & al. sont également partagées par Mme Catherine HILL et M. Martin SCHLUMBERGER (Institut Gustave Roussy) : « Les deux formules de Levothyrox ne sont pas bioéquivalentes La responsabilité directe du changement de formulation dans la survenue de signes et symptômes indésirables chez certains patients est donc extrêmement probable. »
Dans une autre étude parue le 21 août 2019, MM. CONCORDET et al. confirment leur première analyse d’avril 2019 mais approfondissent leur étude pour arriver à une conclusion étonnante.
En effet, ils démontrent que non seulement MERCK devait soupçonner que le LEVOTHYROX pouvait présenter un taux d’absorption très variable mais également que le grand nombre de sujets enrôlés a faussé l’évaluation de la bioéquivalence.
Cette étude part d’un fait étonnant qui avait déjà attiré l’attention : pourquoi alors que la réglementation (EMA et FDA) ainsi que la pratique, recommandent de vérifier la bioéquivalence sur un groupe de 12 à 48 volontaires sains, MERCK a-t-elle décidé de recourir à un groupe de 204 volontaires ?
MM. Concordet et al. remettent en question le nombre de volontaires participant à l’étude et expliquent en quoi il était inadapté pour démontrer la bioéquivalence.
En présence d’un médicament à marge thérapeutique étroite comme le LEVOTHYROX, l’utilisation d’un très grand nombre de patients annule la protection accordée par la réduction de l’intervalle d’acceptation a priori. Ils démontrent que, dans le cas cet essai, plus le nombre de patients enrôlés augmente, plus la probabilité de conclure à la bioéquivalence également :
24 patients : 10,2 % de probabilité d’avoir les deux formulations bioéquivalentes
48-98 patients : 42,3 %
150 patients : 87,8%
Les journalistes scientifiques du journal LE MONDE[4] en concluent que « Le choix de l’industriel allemand d’enrôler un grand nombre de patients dans un essai conduisait mécaniquement à masquer un défaut de bioéquivalence entre les deux versions du médicament. »
[1] Le terme « assumption » pourrait se traduirait par « supposition » plutôt que « dogme ». Dans toutes les cas, il n’existe pas un lien de causalité entre la concordance des bioéquivalences et l’équivalence thérapeutique. Il s’agit d’une simple présomption réfragable.
[2] Chow S-C. Bioavailability and Bioequivalence in Drug Development. Wiley Interdiscip Rev Comput Stat. 2014;6(4):304‑12.
[3] Toutain PL, Gandia P, Bousquet-Mélou A. Problèmes et difficultés rencontrés lors de la planification et de l’analyse d’un essai de bioéquivalence. 2014;14. Pièce n° E2-5
Glossaire juridique (cliquez ici)
KOL – Dans son ouvrage Omerta dans les labos pharmaceutiques (avec Anne-Laure Barret, Flammarion, 2014), le Dr Dalbergue présente un acteur essentiel de la politique sanitaire, sorte d’influenceur du médicament, le KOL « Il faut chouchouter ces « leaders d’opinion car ils soufflent quasiment le texte des ordonnances de leurs confrères libéraux. (…) les plus puissants d’entre eux, orateurs dans des congrès internationaux, présidents de sociétés savantes transnationales, auteurs de dizaines d’articles dans les prestigieuses revues scientifiques anglo-saxonnes, se voient coller l’étiquette de KOL « key opinion leader », c’est-à-dire littéralement « leader d’opinion clef ». Eux ne font pas l’opinion mais tout simplement la pluie et le beau temps en orientant les prescriptions de leurs pairs »
Infraction – Acte interdit par la loi et passible de sanctions pénales, lorsqu'il existe des preuves suffisantes et que le tribunal peut juger l'affaire sans délai. Certaines règles doivent être respectées pour garantir les droits de l'auteur présumé des faits.
Instruction ou information judiciaire – L’information judiciaire est l’enquête menée par un juge d’instruction permettant de déterminer l’existence d’une infraction, les auteurs de l’infraction et s’il y a des indices contre la personne ou les personnes mises en cause. La juge d’instruction dispose de nombreux moyens d’enquête et de contraintes.
Partie civile – La partie civile est la personne qui s'estime victime d'une infraction et qui intervient dans une procédure afin d'obtenir une indemnisation de son préjudice.
Quel est le calendrier prévisionnel ?