
Face à une pollution des sols pour plusieurs siècles, l'objectif de l'action collective Chlordécone est d'obtenir la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat et une juste indemnisation du préjudice moral des requérants.
Alors que les dégâts environnementaux et sanitaires liés au chlordécone risquent de perdurer plusieurs siècles, une action collective conjointe a été engagée en vue d'obtenir la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat et une juste indemnisation du préjudice moral et d’anxiété des populations victimes.
QUELLE EST LA SITUATION ?
La chlordécone, puissant pesticide destiné à éradiquer le charançon bananier, a été utilisé dans les bananeraies des Antilles jusqu'en 1993. Très persistant, les scientifiques s’accordent pour considérer qu’en raison de sa stabilité chimique, il peut se maintenir pendant plusieurs siècles dans les sols et les eaux ; de fait, il impacte encore aujourd'hui les cultures et les productions animales et avec elles, la santé humaine. Depuis les années 60, et sa création par l’industrie chimique, il est reconnu comme un cancérigène. Depuis les années 2000, il est par ailleurs considéré comme le perturbateur endocrinien emblématique des Antilles.
Interdit aux Etats-Unis dès 1977 après la découverte des rejets de la seule usine de fabrication située à Hopewell (Virginie occidentale), il a fallu attendre 1990 pour qu’il le soit en France. Et encore, les industriels et propriétaires terriens se sont employés à « fabriquer de l’ignorance » : en laissant croire que la situation n’était pas si grave, ils ont même obtenu une dérogation de l’Etat permettant l’usage de ce poison jusqu’en 1993. Les profiteurs du Chlordécone ont placé les travailleurs et les travailleuses à un risque sanitaire majeur, en les exposant sans protection individuelle à cette poudre blanche connue pour sa toxicité.
Alors que la procédure pénale - initiée en 2006 - dure depuis près de 20 ans, et tandis que les populations locales craignent, ici et maintenant, pour leur santé et celle de leurs proches, sans oublier les impacts durables sur leur environnement, les associations VIVRE Guadeloupe, le CRAN et le Lyannaj pou dépolyé Matinik ont décidé de lancer une première action collective conjointe devant les juridictions administratives. Ainsi, la responsabilité de l’Etat pourra être enfin reconnue..
QUELLE ACTION COLLECTIVE A ÉTÉ LANCÉE POUR Y RÉPONDRE ?
Après des recherches en France et aux USA, il est apparu que 92 % de la population des Antilles a été exposée à ce pesticide dont la dangerosité est connue depuis, au moins, 1960. Face à un tel préjudice collectif, l’action collective conjointe offrait la meilleure réponse possible.
Pour faciliter le traitement de cette action collective, il a été décidé de ne demander que la réparation des préjudices moral et d’anxiété (les préjudices corporels, notamment, impliquent des expertises individuelles qui s’accommodent mal avec le caractère collectif de la présente action ; néanmoins, la reconnaissance des « négligences fautives » de l’Etat facilitera nécessairement les démarches individuelles en indemnisation du préjudice corporel).
Ces préjudices moraux concernent toutes les personnes exposées, qu’elles soient malades ou en bonne santé. Reposant sur la fameuse jurisprudence dégagée dans le scandale de l’amiante, il s’agit de faire valoir les préjudices liés au risque de développer une maladie grave ou mortelle en raison de l’exposition au chlordécone. Au-delà il s’agit également d’obtenir réparation pour les autres risques liés à l’exposition au chlordécone comme ceux affectant le développement psychomoteur des enfants. Il est en effet rappelé que le chlordécone comme le distilbène entraine des effets épigénétiques, c’est-à-dire que les conséquences néfastes de ce pesticide se transmettent de génération en génération et ce, sans nécessairement avoir été en contact direct avec le toxique.
L’action collective conjointe en responsabilité contre l’Etat est par ailleurs tout indiquée au vu des preuves abondantes, des fautes commises par ce dernier depuis 1972. Il n’est pas besoin d’attendre les résultats de l’enquête pénale qui sanctionnera – espérons-le ! – les coupables.
OÙ EN SOMMES-NOUS ?
Le 24 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris donnait partiellement raison aux plaignants : il reconnaissait en effet les « négligences fautives » de l’Etat dans la gestion du dossier Chlordécone entre 1972 et 1993 (une première !) mais refusait de prendre en compte le préjudice moral des plaignants. Un appel a donc été interjeté ; la décision de la Cour administrative d’appel devrait intervenir courant 2025.
POUR ALLER PLUS LOIN
Multimédia (cliquez ici)
Vous pouvez visionner l'intervention de Maître Christophe LÈGUEVAQUES lors de l'audition sous serments devant la Commission d’Enquête Parlementaire Chlordécone et Paraquat en Guadeloupe en 2019 où il présente les objectifs de l’Association VIVRE et du CRAN c'est-à-dire de comprendre ce qui s'est passé avec l'utilisation du chlordécone, et de prévoir des solutions en terme de protection de la santé des populations des Antilles et en terme d'évolution du modèle économique antillais ici > Intervention de Me Lèguevaques à la Commission d'Enquête Parlementaire
Témoignages de victimes (cliquez ici)
Témoignages
Initiatives reliées (cliquez ici)
L’affaire Chlordécone a donné lieu à une Pétition Chlordécone.
Sources (cliquez ici)
Revue de presse (cliquez ici)
REDACTION WEB, France Antilles. Chlordécone : l'action collective devant le tribunal administratif. France Antilles, 17 mai 2022 https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/justice/chlordecone-laction-collective-devant-le-tribunal-administratif-395454.php
REDACTION WEB, France Antilles. Chlordécone : pourquoi les 1230 requérants et trois associations font appel. France Antilles, 28 juin 2022 https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/faitsdivers/chlordecone-pourquoi-les-1230-requerants-et-trois-associations-font-appel-394598.php
REDACTION WEB, Actu. Usage du chlordécone dans les Antilles : la justice admet des "négligences fautives" de l'Etat. L'Argus, 28 juin 2022 https://actu.fr/societe/usage-du-chlordecone-dans-les-antilles-la-justice-admet-des-negligences-fautives-de-l-etat_52076618.html
REPÈRES CHRONOLOGIQUES